Dix doigts dans la lourde

Publié le par petit filope

20 décembre 1978, il est 20 heures et comme tous les mercredis soirs, les joies du bain avec "Couiny" le canard, c'est l'heure du décrassage obligatoire, la révision des 3 jours necessaire au bon fonctionnement physiologique du corps humain et l'extermination d'éventuels habitants non identifiés  dans nos mèches blondes bien emmêlées façon "rastas".
 
Pour l'anecdote du moment, nous sommes en hiver et cet appartement possède de très hauts plafonds, difficile à chauffer, ainsi notre père avait eu l'ingénieuse idée de faire flamber un peu d'alcool à brûler dans une petite casserole en métal gris clair, il avait pris l'habitude de la positionner  entre le mur et la baignoire style baroque, et ce soir là,  l'euphorie nous ayant gagnée une fois de plus encore, savon et shampoing rendant glissant le fameux sabot blanc et sous l'oeil complice de la volaille en plastique jaune, il y eut une vague plus puissante que les autres, c'est ainsi que ma jeune soeur fut projetée violemment hors de l'eau, vous me direz, la différence de nos deux corpulences façon "Laurel et Hardy"!!!,- c'est moi Laurel ! ... Toujours est t-il que la pauvrette gisait là, par terre, de la mousse plein la tête et tentant vainement de regagner  en rempant l'habitacle fort lubrifié.

En pleurs comme toujours, hurlant et vociférant quelques injures scolaires, la pseudo-bléssée se dirigea vers la seule issue de secours en courant. Quand au passage, elle heurta la petite casserole qui flambait encore. C'est allé très vite, une seconde plus tard, le mur tapissé de tissu tendu mais surtout plus vieux que moi, s'embrasait. Et là, le temps s'arrêta soudain, en un  éclair tout le monde dehors, il ne manquait que la bonne vieille sirène au tableau. A poil et dans le couloir glacé, plaquées contre le mur, les jambes et les lèvres flageolantes, certainement mais sans certitude, ma soeur avait du faire pipi comme à son habitude quand elle avait peur, puisqu'une flaque se forma sous nos pieds en plus de notre essorage précipité. Nous ne savions pas si nous devions rire ou pleurer, l'un n'étant pas loin de l'autre.

Dans la pièce incendiée, nos parents-pompiers avaient finalement eu raison du feu, entre deux esclandres et  trois sacs de plâtre (à bon entendeur s....), j'ai cru deviner mon père siffloter à ma mère la symphonie du  :

"bon ! ça aurait pu être plus grave !"

Ouf! ouf! ouf! trois fois ouf! cette fois-ci, on est pas passées loin de la correctionnelle, demi tour droite,direction la chambrée sans un mot à peine le bruit de nos rapides enjambées, le froid nous figeait le sang et plus aucune parole ne pouvait sortir tant le clapotis de nos dents était fort . Le temps de se le dire, nous enfilions nos chemises de nuit bleues, direct dans le lit, la couverture jusqu'au ras du nez en attendant que le verdict tombe.

Quelques conciliabules plus tard, nos parents avaient pris place au fond du lit, sur leurs visages noircis on pouvait lire un sentiment de peur toute fraîche, mais la rassurante parole maternelle vint mettre un terme au drame échappé de peu. Nous étions finalement blanchies sur ce coup là, puisque la faute de base étant imputée à l'inconscience paternelle pour avoir utilisé un combustible non-conforme aux normes de sécurité en vigueur.

Tu parles que nous allions nous endormir de suite, pas question ! un scénario pareil il fallait l'inventer, je ne sais plus pourquoi ni comment, une de ces idées galopantes nous traversa simultanément le cerveau, en deux temps trois sautillements et une longueur de couloir plus tard, on se retrouvait devant la pièce du délit, il fallait se rendre compte de l'ampleur des dégats et bien sûr dans un noir complet, à tatons, je trouvais la poignée en porcelaine et l'actionnais aussitôt dans un geste ralenti afin d'en masquer le grincement,-et vas-y !!!- La discrétion de deux petites pestes en pleine nuit, j'avais juste oublié que ma mère ne dormait que d'un oeil, pour le coup, que d'une oreille, et que la salle de bain faisait face à sa chambre, mais ce n'est pas elle qui me fit sursauter, c'est le bruit sourd d'un léger petit cri étouffé qui parvenait de la bouche de ma soeur qu'elle tentait de masquer avec sa main gauche, seule paluche de libre car, sous l'effet de surprise, je venais de refermer la lourde avec élan lui écrasant litéralement ces cinq autres petits doigts, vite je repoussais la porte pour libérer la menotte, seulement entre temps, elle s'était reposée sur son autre main en l'apposant sur l'embrasure et comme nous étions toujours dans l'obscurité la plus totale, je ne l'ai pas vu ! juste entendu! son deuxième cri ! et vas-y !!!  et de dix !

Le pire dans cette histoire, c'est pas tellement le coup de pompe que j'ai reçu ce soir là, mais c'est juste le fou-rire qui nous submergea et plus mon père s'égosillait, plus longue était la quinte,nous avions beau essayé de nous calmer mais rien ni faisait, et on se repassait le film, et on se le repasse encore ...

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M
merci de vos passages<br /> bisous du 56<br /> MELDIX77 le Briard Breton
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B
de belles anecdotes à raconter. Rien de bien méchant, juste une curiosité infantile bien placée après un drame évité de justesse!
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P
<br /> Je sens encore l'odeur de l'alcool à brûler,<br /> bises<br /> flo<br /> <br /> <br />
M
oh purée je la revois cette casserole avec l'allumette dedans...<br /> et je revois la scène...<br /> oh purée, oh purée...
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P
<br /> Je me rapelle même du bruit que ça a fait<br /> <br /> <br />